Page:D’Esparbès - Le Roi (1910).djvu/228

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
208
LE ROI

— À la grange s’en va le blé. Marche !

Ils partirent l’avant-veille de la Saint-Martin, chargés des trésors de Joyeuse, qui sa belle vaisselle en sautoir, qui son sac d’écus dans une fonte, qui ses bijoux d’or dans les poches. Plusieurs, tels que dames en cour, avaient l’oreille emperlée. Aux boucles des chaussures, dans la corne des poignards et le bois des piques, par les fentes des boutonnières et les grossiers collets de toile écrue luisaient saphirs et cassidoines, hyacinthes cardinalices, opales, gérosoles, ambres et béryls, et sous leurs touffes poilues, de gros doigts laboureux montraient, enchâssés dans de délicates montures d’art, les yeux sanglants des escarboucles et les sourires mauves des améthystes. Le roi galopant aux ailes se frottait les mains :

— Toutes ces rigaudailles de bijouteries inutiles. vont se transformer là-bas en maisonnettes, pain, pitance, hangars, gerbiers et académies de pigeons et poules. Vois ces hommes mélancoliques, d’Aubigné, s’ils baissent paupière, c’est qu’ils, pensent à la femme abandonnée au logis, laquelle gargote en les attendant le bon pot de la bienvenue. La guerre nourrit la paix.

Allure rapide. Trois troupes : une pointe, le gros, l’arrière-garde. La première journée fut de huit lieues ; les hommes avaient la hâte de la patrie.

— Cette ardeur durera-t-elle ? vint dire M. d’Urgosse. La chaleur du ciel, en cette tardive saison, incommode les gens sous leur butin et leurs armes.