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LE ROI

garda le roi dont les tempes commençaient à suer) Vous n’avez qu’idées d’entreprises, assauts, forcements d’amour, murmura-t-elle, et votre cœur (elle s’allongea, caressante, sur la poitrine royale, on eût dit une pêche contre un grand mur), ce cœur dont j’entends la ronde me refuse le meilleur de lui. (Mélancolique) Las ! sire, vous me désirez à la ressemblance d’autres femmes qui souillèrent un instant vos bras et ne surent point vous chérir. Mon amour, s’il est d’une amante, s’illumine d’une flamme qui le rend plus noble ; je vous aime, mais je vous aime aussi tout en Dieu.

— En diable, m’amie, tout en diable ! dit le roi pressé en baisant la bouche tendue. Ces sentences sur l’amour divin m’apparaîtront mieux, je vous jure, au lever d’aurore, quand je partirai de chez vous ; mais en ce moment, caquetière, c’est moutarde avant le repas. (Il perlait son visage de petits baisers) Vos prédications entreprennent un converti ; vous êtes « divine » oui ! oui ! mais de belle chair d’ange, hé donc, agréable aussi à manier. (Quelques agrafes baillèrent) Je pensais en vous écoutant, dit-il, à ces savantins tondeurs d’œufs, Anaxagoras et Pythagoras, qui se disputaient à chercher si Madelon était sourde ou muette, flasque ou poupine, brune ou blonde, tandis qu’à leurs nez quinauds d’éveillés gaillards, sans balances, soupesaient ses gentils tétins. J’ai perdu à vos sermonées, mie, un temps précieux.

La comtesse, blessée au cœur, s’éloigna du roi.