Page:D’Esparbès - Le Roi (1910).djvu/280

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
260
LE ROI

d’une balle qui lui perça le ventre, et c’est bien le plus grand malheur de la compagnie.

— J’aime ces discours honnêtes. Et donc, demanda le roi, ce Picard dut se montrer toujours héroïque ?

— Et juste et gracieux ! qui ne cachait rien sur le cœur, et faisait écritures avec nos familles pour leur raconter comment nous allions.

— Voilà un homme qui valait cher, conclut le roi ; compagnons, vous en ferez à votre aise et irez le conduire en Picardie, dans sa maisonnette, mais seulement après la campagne qui ne durera que quelques jours. En attendant (son glaive toucha le cercueil), il demeurera votre capitaine quoique défunt, et ne sera pas remplacé.

Cette brave idée joignit les mains de tous les hommes, et le roi partit pour aller dormir.

À l’aube du lendemain, chacun courut à son poste.

Pendant la nuit, l’armée de Mayenne avait franchi le pont de l’Eaulne en silence, s’était formée dans le brouillard en deux colonnes profondes au delà du ravin, à droite, quatre mille chevaux sur cinq lignes ; à gauche, quinze mille hommes d’infanterie et quatre canons. Sur le coup de dix heures la pluie tomba, et malgré le relâchement que produit l’eau froide sur les têtes, Mayenne darda son bâton bleu :

— Allez !

Neuf cents chevaux s’élancèrent dans les rais