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Page:D’Esparbès - Le Roi (1910).djvu/282

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LE ROI

fouler Rosny. « Monsieur de Béthune, gare à vous ! » lui cria le comte d’Auvergne. Moment confus. Les troupes gasconnes, coupées et froissées, firent un caracol de retraite et revinrent alertement jusqu’au pied de la Maladrerie ; beaucoup, touchés dans le dos, firent le signe de la croix et restèrent sur le champ de bataille, les poumons troués, à mâcher solitairement des groseilles ; les arquebusiers de Brigneux qui garnissaient les tranchées firent une salve sur les ligueurs qui tournèrent bride aussitôt, et chacun s’essuyant regarda si son camarade était là. C’est alors que Mayenne, énervé par toutes ces trotteries, conçut un exécrable mensonge :

— La réserve ! Les lansquenets allemands partirent. On leur avait fait la leçon au lieu de piquer à la Chapelle, ils biaisèrent dans le champ, rompirent le pas, eurent l’air, par gestes furieux, de se mutiner, enlevèrent leurs casques au bout des piques et des arquebuses et vinrent à la tranchée navarraise en criant qu’ils voulaient se rendre. Ces voltes-face n’étonnaient personne. Les pistolets s’abaissèrent, mille mains se tendirent, et le roi s’avança pour faire accueil aux transfuges. À ce moment, ils emplissaient la tranchée ; on les vit échanger un signe, regarder le roi et le maréchal ; au lieu de s’unir aux autres ils s’accolèrent, et un de leurs lieutenants visa le Gascon… Vertige ! la vérité, la foudre et la mort tombèrent aussitôt dans le retranchement, le roi et son