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LE ROI

on eût cru, tant ils s’approchèrent, qu’ils allaient s’y briser et fondre ; mais une voix vieillotte, celle de d’Aumont, tintante comme un verre ancien, arrêta net la tempête : « Caracol par demi-escadron ! « La chevauchée s’ouvrit par le milieu, brutalement : les deux cents cuirasses du maréchal voltèrent à droite, les deux cents de Biron à gauche, et l’ennemi se précipita dans ce vide comme en un couloir. La manœuvre eut lieu ainsi qu’en place d’armes. Des ligueurs crièrent : « Halte ! gare sur les deux côtés ! » Mais d’Aumont et Biron étaient hors d’atteinte ; leurs deux troupes caracolantes pivotèrent ; chacune, nerveuse, fit le tour complet sur sa file externe et chargea en flane : ces deux fortes pinces, l’une dans l’autre, désossèrent effroyablement l’ennemi, — et le maréchal brossa son écharpe.

— Fort bel exercice, dit-il. Mais que va faire Sa Majesté de ce furieux comte d’Egmont qui s’approche ? (Un bruit lugubre s’arrachait du centre opposé) Revenons à notre place, monsieur de Biron, le roi peut encore avoir besoin de nous.

Les mille gendarmes lanciers wallons, frappant leurs armes à la barbare, s’ébranlaient sous leur bannière rouge. Le porte-cornette du comte ayant levé l’étendard, les chevaux cabrés sous l’éperon s’allongèrent comme des fumées, accoururent ; leur élan fendit les deux escadrons de MM. d’Auvergne et de Givry qui défendaient les six pièces, culbuta les pionniers et les canonniers ; trois coulevrines tombèrent, un vastadour y mourut,