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LE ROI

le suspendit par les épaulières, en faisant deux nœuds de batiste, sous le fer sanglant de la lance.

L’armée eut un choc.

— Or bien ! mes amis, clama le Gascon, direz-vous encore que nous manquons de Cornette (il brandit la lance dans le vent), et cet étendard que je hausse ne vaut-il pas mieux qu’un plumet ? Gentilshommes qui glorifiez aux combats les devises de vos amoureuses. Et vous, gendarmes. Et vous, chevau-légers. (L’escadron regardait le nouveau drapeau d’un œil ivre) Et vous, arquebusiers et piquiers, soldats picards et poitevins qui laissâtes par vos maisons de joufflues garcettes, contemplez, contemplez avant de bondir cet emblème qui est le vôtre, et qu’il vous évoque en particulier les commères de vos villages et tous les baisers de vos logis ! (La brise, à ce moment, gonfla l’étendard et anima les dentelles, on eût dit qu’une forme y ondulait) On va donc combattre maintenant, hurla le roi, chacun pour sa chacune, et chanter plus fort qu’au lutrin ! (Il montra la bataille dans un brave rire tout blanc) Pien n’est tel que taille de mars, nous allons avoir grande affaire ! Abordez l’ennemi d’un cœur en santé, galopez en ordre et suivez-moi bien ! Je récuse pour vous plaire la vieille maussade devise des Bourbons : Qui qu’en grogne » et je crie liesse à Cupidon qui est dieu ! (Tournant son grand cheval et levant au ciel son drapeau) Compagnons de la pierre qui roule, rugit-il soudain, n’y a qu’un mot à présent qui serve : Charge !