Page:D’Esparbès - Le Roi (1910).djvu/33

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
13
L’ENFANT

dégoût et la peur, elle eut l’épouvantable force de lui sourire.

— J’obéirai…

Comme si ce mot eût été le signe, le château, en bas, s’emplit de paysans, de gardes. Massé, assis dans les cours, dans les escaliers, dans les salles, le peuple attendait le prince.

Au milieu de la nuit du treize, un râle profond descendit, traversa les cœurs…

Et le chant promis, tout à coup, l’affreuse chanson de la reine en transes monta !


Ce furent d’abord des boquets, des souffles qui semblaient crever d’une caverne, des cris, le début d’un chant, des tronçons farouches de gaies paroles ; puis, longue et hennissante, une phrase entière, l’appel d’un cantique : Nousté Dame deü cap deü poun, et le peuple, reconnaissant la chanson patoise, tressaillit ! Ce qu’on devinait là-haut deux yeux terribles, des poings, une convulsion, tout cela mentait ; au lieu de sanglots, un chant. Chant d’espoir et d’horreur, chant d’obéissance, il montait plein de force, tombait, se cassait dans des trous de douleur, s’élançait aigu, ferme comme un appel en mer : adjudat me a d’aqueste ore, et ses accents se prolongeaient, cinglaient la nuit d’échos si joyeux qu’entraînés invinciblement mille bérets se dressèrent vers la chambre close. La voix, de plus en plus, bondissait haut, rageait de délices, filait en cris ténus, courts et rigides : c’était un mot, démaillé du