Page:D’Esparbès - Le Roi (1910).djvu/353

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
333
LE ROI

moindre chose en propre dont nous puissions dire : c’est à moi. On nous met le pied sur la bouche, et nos franchises sont à vau-l’eau.

— C’est la triste vérité, rêva le chanoine, et pourvu qu’on affirme au peuple que son Dieu et sa terre seront en péril s’il se fie à d’autres qu’aux Guise, on peut aisément le tondre, piller ses gras pâtis et saccager ses herbages.

— Et nous autres, dit Pierre le Roy, nous la bourgeoisie, artisans, professeurs, magistrats, nous tous venus du peuple et qui sommes ses fils émancipés, qui nous écoute ? Le Tiers est comme un quart, s’écria-t-il plaisamment, qu’on ne saurait plus où mettre, tant sa place est prise ! Cette place du peuple qui souffre et des bourgeois. qu’on écarte, qui la leur rendra ?

— Henri le pourrait encore par la guerre. Pithou haussa les épaules. — Les guerres, dit-il, sont procès qui ruinent ceux qui les gagnent. Abandonné de tous, le roi est sans force. Comment sauverait-il le peuple et nous autres, quand on voit que ni la vaillance ni les conquêtes ne lui servent, et que Mayenne a beau rouler son gros ventre d’Arques à Ivry, et d’Ivry à sa prochaine défaite, sans que jamais, pourtant, les Parisiens se résignent à comprendre qu’ils sont des dupes sous la coupe de mauvais prêcheurs. Je sens qu’il faudrait pour sauver la France autre chose encore que la guerre…


— Ainsi pense-t-il ! fit une voix nouvelle.