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LE ROI

gentilshommes volontairement se rendirent ; la partie engagée depuis vingt ans tirait à sa fin : le royal joueur posa la carte sur Chartres.

— Atout ! railla d’Aubigné. C’est donc à Chartres que vous irez vous faire sacrer ?

— Reims est lorraine et appartient aux ligueurs, dit le Gascon. Mais ici ou là, que me fait ! L’homme brave porte avec lui son gain de cause. Ma couronne n’est ni à Reims ni à Chartres (il montra sa grosse main fermée) ; elle n’est, je pense, nulle autre part qu’en ce lieu.

Tous remarquèrent, pendant le sacre, qu’il avait ses habits de bataille, humbles, élimés aux épaules par le frottement de l’acier. Bonne tête endurante cuite par les soleils, grand nez d’aigle, barbe et moustaches d’épines, dents longues, ventre plat, ceil fixe et resplendissant glacé comme une pierre précieuse, ce n’était point là, on le comprit, un prince qui héritait d’un trône, c’était un lutteur qui le saisissait.

Après le sacre, il revint à Saint-Denis, au camp, pour épier l’occasion ; charmée par un tel homme, elle se présenta aussitôt.

Depuis quelques jours, les volontés éparses de Paris se réduisaient en une seule : soumission. Les chefs de ce mouvement royaliste n’ignoraient pas qu’ils jouaient leur vie, mais le bonheur de vaincre leur sembla plus doux que la vie. Dès le 1er mars, les confédérés s’entendirent pour favoriser l’entrée du Gascon dans la capitale. Parmi eux se haussèrent les échevins Langlois et Néret,