Page:D’Esparbès - Le Roi (1910).djvu/388

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
368
LE ROI

vent tout voir percent la matière, annulent la distance, touchent l’ame qu’elles ont mission d’observer ; actives, leurs mains posent le premier fil.

Il glisse, il court, il s’étend ; la laine s’ajoute à la laine, les couleurs pointent sur la trame comme l’aube dans les ténèbres, les réseaux d’azur apparaissent, l’or, l’argent, les teintes glorieuses, et le jour surgit sur le grand métier ; c’est que le roi, là-bas, œuvre dans la lumière, et que le travail des Tisseuses en est le reflet. Les mois passent, la vision s’ébauche : groupes, multitudes, événements, et le rêve historique s’exhale des laines superposées. — Soumission des ordres religieux et de la Sorbonne. — Intronisation du roi validée par le pape. — Une guerre imminente entre Henri IV et Philippe II se lit dans le galop du roi vers les Pyrénées. — Non loin, cinq femmes assaillies l’implorent : la Picardie, la Bourgogne, la Bretagne, le Lyonnais, la Provence. — Il coupe leurs liens dans la plaine de Fontaine-Française, et arrache le voile qui couvre l’est de la France. — La tapisserie se déroule ; au fur et à mesure les faits s’y posent, et il n’y a pas de taches funèbres. D’allégoriques voix l’acclament ; c’est Lyon, Marseille. — Les dues ligueurs sont à ses genoux ; — et la France des frontières, soudain, apparaît comme un groupe souriant, une ronde de cités aux mains unies : le territoire national est sauf, l’Unification est créée.

Les Tisseuses ne s’arrêtent pas, leurs mains. grises font courir les fils. Une image apparaît : le