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LE ROI

apprendre « la cour ». En vain. Une fraiche bouffée pyrénéenne, le parfum des vignes, un jus de grappes écrasées traversait ce cerveau d’enfant et nettoyait tout. Les heures récréatives s’écoulaient pour lui à entendre récriminer : « Monsieur de Bourbon, lui disait un maître, on ne doit point baisser la tête entre les épaules, c’est signe de lâcheté, ni se renverser ainsi car c’est arrogance. » (Il se redressait) « Ni ne sied guère à un enfant, ajoutait un autre, de tenir ses deux bras au sein car c’est paresse, ni de les tenir derrière car cela donne à penser qu’il soit un larron. » S’il éternuait dans sa main : « Etouffer le son qu’excite la nature, c’est attribuer plus à la civilité qu’à la santé. » S’il enflait ses joues : orgueil, s’il les désenflait : méfiance. Tout en lui était critiqué : « Il faut que les lèvres soient un peu conjoinctes, une bouche pincée ne convient qu’à ceux qui ne veulent pas prendre l’haleine d’autrui. » Ces conseils importuns le faisant bailler : « Mettez le mouchoir devant votre bouche, lui disait-on, et faites le signe de la croix. » On n’épargna pas non plus sa gaieté, cette joie gasconne au sourire toujours offert : « Il est déshonnête de rire en hennissant car quelqu’un de la compagnie peut avoir soupçon que l’on veuille le lanterner, ni de rire d’une bouche élargie, les joues rentrées, en montrant les dents, c’est un ris de chien et sardonien. » L’enfant rageur mordait ses lèvres : « C’est le geste d’un homme qui menace quelqu’un. » Alors, dépité, s’il faisait la