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L’ENFANT

Stupéfait, il demanda :

— Et leur pays ?

— Elles viennent d’on ne sait où, de loin, de derrière peut-être ce qui est loin, dit la reine. Elles disent qu’elles aidèrent le roi Attale à joindre les fils d’or aux broderies, qu’elles tissèrent jadis les histoires d’Orphée, d’Andromène et d’Amyone, d’Artapherne assiégeant Erétrie, de Xercès et des Thermopyles et d’Athos percé, elles disent avoir posé l’écarlate à Jérusalem sur le Voile du Temple emporté par Antiochus à Olympie ; elles savent le monde, le ciel, les hommes, la Vérité.

— Mais pourquoi sont-elles là ? dit l’enfant tremblant. Que feront-elles ici ?

Les femmes n’avaient pas l’air d’entendre. Indistinctes, rayées par les longs fils gris, aucune passion humaine n’altérait leur front nuageux. Et la reine les désignant prononça ces hautes paroles, lesquelles, pour à tout jamais, s’engravèrent dans le cœur du prince :

— Je puis me départir demain vers mon Juge, mais voici mes trois remplaçantes. À peine aurez-vous disparu d’ici qu’aussitôt portées à l’ouvrage ces ouvrières entreprendront sur les fils ce que leurs yeux perçants vous verront accomplir de bon et de mauvais, et aussi ce qui n’est ni bon ni mauvais. (La reine avança son bras) La première de ces trois femmes vous représente le Bien, la deuxième le Mal, et la troisième ce qui n’est ni le