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LE ROI

dites sur ces batailles, et s’émerveillaient de l’enfant. Mais tel n’était pas l’avis du prince. Le soir de Jarnac où il reposa dans une ferme, comme ses songeries de préférence retournaient au lieu de sa jeunesse, il revécut le trouble de sa chair, le drame. Indiciblement aflligé, les mains emplies de son visage et se croyant sans doute la risée des cieux et des hommes, il ne put, tout le temps qu’il passa seulet, exhaler que deux mots amers dont il écoutait le son se mourir, où il lui semblait que mille rêves, l’honneur en espoir de son enfance et la fierté des aïeux s’abimaient lamentablement : « Corps lâche, disait-il tout bas, misérable chair… faible chair… chair qui m’a trahi… » Et naïvement épouvanté, comme il se remémorait, dérisoires en l’occurrence, les vaillants discours de la reine Jeanne sa mère, voilà qu’il vit soudain apparaître, à un angle de sa rêverie, Celles qui avaient mission de peindre ses actes, les trois inconnues aux yeux d’avenir, les funèbres « haute-lissières » qui, là-bas, laborieuses sur leurs métiers, repoussant les laines vermeilles pour ne se servir que des noires, devaient en ce moment tisser sa peur. Et trop malheureux pour parler, souffrant trop, même, pour se plaindre encore, l’enfant coucha sa tête et pleura « une honte ineffaçable ».