Page:D’Haussonville - Souvenirs et mélanges.djvu/13

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de la charge de grand Louvetier de France, la reine Marie Lecksinska, qui se rappelait avoir vu en Lorraine cette charge occupée par des membres de notre famille, s’employa à la faire donner à mon grand-père. Il se trouva ainsi en possession d’une place de Cour importante et très-conforme à ses goûts, car il était grand chasseur.

On devine qu’avec l’existence et le caractère que je viens d’indiquer, mon grand-père n’ait pas goûté beaucoup le mouvement réformateur qui précéda la Révolution, et les hommes qui se mirent à sa tête. Dans son intérieur il n’en parlait qu’avec humeur, et M. Necker, particulièrement, avait le don de lui être très-désagréable. Cependant, comme lieutenant général des armées du roi et commandant en second de la Lorraine, il sentait qu’il y avait convenance de sa part à rendre visite au ministre honoré de la confiance du Roi et qui jouissait alors de toute la faveur populaire. Mon père m’a souvent raconté, depuis mon mariage, que mon grand-père se rencontra dans le salon d’attente de M. Necker avec le maréchal duc de Broglie, qui, animé de sentiments peu différents des siens, venait, lui aussi, remplir la même formalité : « Nous entrerons ensemble, lui dit le Maréchal, et vous me présenterez à M. Necker, car je ne le connais pas. » — « Est-ce que vous croyez que je le connais plus que vous ? » — « Eh bien, nous nous présenterons l’un l’autre. »