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LUDWIG VAN BEETHOVEN

de servir depuis sa plus tendre jeunesse », en un juge « devant lequel il pourra paraître sans crainte un jour ».

Le poète qui sut faire, dans sa dernière symphonie, une si belle apologie de la Charité, pratiquait-il sa religion ? Question délicate à trancher. D’aucuns ont cru pouvoir le faire sans l’appui de documents probants. Ce dont on a la preuve, c’est qu’il faisait maigre le vendredi, jeûnait les veilles de fêtes, disait matin et soir la prière avec son neveu et tenait à ce que celui-ci apprît le catéchisme, « car c’est sur cette base seulement qu’il est possible d’élever un homme ».

Ce qui apparaît de façon certaine, dans ses écrits comme dans ses œuvres, c’est la tendance, de plus en plus accentuée, vers la musique purement religieuse. Au culte de Dieu dans la nature, a succédé, chez Beethoven, le désir de Dieu pour Dieu lui-même, et, nous l’avons vu, c’est l’Imitation de Jésus-Christ qui a remplacé sur sa table et parmi ses objets familiers les livres de Sturm.

Rappelons-nous ses efforts pour s’assimiler l’art des vieux maîtres des siècles de Foi sans mélange, et sa résolution de ne plus « écrire que de la musique religieuse » ; nous allons pouvoir nous convaincre que cette résolution ne fut pas un vain mot.

Si l’on ordonne par genre et par dates, comme nous l’avons déjà fait pour la seconde manière, les œuvres de la période à laquelle nous sommes arrivés, on s’apercevra qu’à partir de 1818, après le temps d’arrêt dont nous avons parlé plus haut, la production pianistique, presque complètement laissée de côté depuis dix ans, se refait nombreuse et féconde en chefs-d’œuvre. On dirait que, las des sonorités puissantes,