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Page:D’Indy - Beethoven, Laurens.djvu/124

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LUDWIG VAN BEETHOVEN

son entrée dans la forme-sonate ; passons aussi sur les deux sonates pour piano et violoncelle, op. 102, bien que l’introduction de l’une et l’adagio de l’autre puissent être comptées parmi les plus hautes inspirations mélodiques du maître. Arrivons à l’année 1818. Représentons-nous le pauvre grand homme forcé, pour subvenir à l’existence journalière, de produire sans répit. Obligé de satisfaire la rapacité des éditeurs, il prend sur ses nuits pour écrire des « Brodarbeiten » : Andante pour le piano, — Six thèmes variés avec flûte, op. 105, — Dix chansons russes, écossaises et tyroliennes, variées avec flûte, op. 107, — Douze bagatelles, op. 119, un rondeau, op. 129 et Six bagatelles, op. 126.

La naissance de l’œuvre 106 vient éclairer ces temps difficiles. Il faut avoir souffert soi-même pour oser s’attaquer à l’exécution de l’adagio en fa dièze mineur, d’une si grande puissance émotive, et qui passe tour à tour de la plus sombre résignation à la plus lumineuse espérance ! À part la fugue servant de finale, fugue étrange, tourmentée, avec une éclaircie de ciel bleu au milieu, mais qui produit un effet foudroyant lorsque l’exécution est digne de la musique, à part cette fugue, disons-nous, toute la sonate est bâtie dans l’ordre le plus traditionnel, et, malgré cela — peut-être à cause de cela — elle paraît, par le choix des idées et la noblesse de l’architecture, d’une grandeur incommensurable.

Sans nous arrêter à la jolie sonate en mi, à deux mouvements, op. 109, arrivons à l’op. 110, l’une des plus émouvantes compositions de la troisième manière.

Presque toutes les œuvres de Beethoven, au moins les importantes, portent, nous l’avons vu, de significatives dédicaces ; seule, l’œuvre 110 en est privée. Pouvait-il