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LUDWIG VAN BEETHOVEN

moins pressante. Et si cette prière-là monte, si haletante, vers l’autel de l’Agneau, victime de la Haine, c’est quelle implore de lui la paix : « paix intérieure et extérieure » a écrit Beethoven. Plus de pensées haineuses, plus de luttes intimes ou de, profonds découragements : le thème de la Paix a jailli, lumineux et calme, hors du ton indécis de si mineur, il nous rend enfin la tonalité de ré majeur, celle de la Foi, celle de l’Amour, celle dont s’est enveloppée la Charité, dans la IXe Symphonie. Ce thème revêt un caractère pastoral qui donne l’impression d’une promenade aux champs… car la paix n’est point dans la ville, c’est aux ruisseaux de la vallée, aux arbres de la forêt que le citadin inquiet va la demander ; car la Paix n’est point dans le monde, aussi est-ce hors du monde que va la chercher le cœur de l’Artiste : Sursum corda !

Une simple exposition de fugue, tout à fait régulière, prépare l’éclosion de la Fleur pacifique, de ce thème affirmatif qui, descendant directement du ciel, témoigne que l’âme est enfin parvenue à jouir de cette paix tant désirée. Ce thème, de quatre mesures n’apparaît dans l’Agnus que quatre fois, mais il est d’une si pénétrante beauté que l’esprit de l’auditeur reste comme imprégné de son parfum et en subit encore le charme longtemps après que la sonorité s’en est évanouie[1].

Tout à coup (hommage rendu au traditionnel in tempore belli des messes de Haydn) des tambours et des clairons lointains annoncent, par deux fois, l’armée de

  1. La puissance de pénétration de cette mélodie provient, techniquement, de ce fait que, sur les neuf notes qui la constituent, aucune n’est placée sur un degré déjà entendu : le dessin mélodique est donc nouveau en tous ses éléments.