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LUDWIG VAN BEETHOVEN

« Ce fut mon ange gardien », écrira plus tard Beethoven. Son ami Wegeler, le futur époux d’Éléonore, l’a introduit dans cet intérieur dont il va devenir l’hôte assidu ; la petite Éléonore se plaît à écrire des vers lorsqu’elle ne brode pas sous la lampe, tandis que ses oncles, les chanoines Lorenz et Philip, lisent Klopstock aux jeunes gens, en attendant que violon et clavecin entrent en scène.

Combien le cœur du pauvre orphelin se réchauffe auprès de ces natures distinguées qui, de suite, l’ont compris et l’ont aimé, sans toutefois le flatter ! « Madame de Breuning », dira un jour Beethoven, « sut écarter du bourgeon les insectes malfaisants ». Elle lui parlait travail et modestie tandis que les jeunes enfants contribuaient à donner au musicien ce vernis d’éducation qu’on peut observer dans ses lettres aux princes.

Il avait déjà, dans la ville de Bonn, où les leçons de son père étaient appréciées, toute l’aristocratique clientèle de celui-ci, les Hatzfeld, les Honrath, les Westerholdt ; mais voilà qu’une chance inespérée lui fait rencontrer ici celui qui devait donner un élan définitif à sa vocation.

Le comte Waldstein, invité des Breuning, se trouvait, par une similitude d’âge et de goûts, tout porté à se lier d’amitié avec l’artiste. Il avait été frappé de la façon dont le jeune homme savait faire, au clavecin, des portraits musicaux, récréation en honneur chez les Breuning à l’égal des découpures en ombres chinoises. Il avait admiré le jeu expressif du jeune Ludwig et sa façon particulière d’attaquer le clavier. Il tint à lui offrir son premier piano à queue, et les visites du charmant grand seigneur dans la modeste chambre de la