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LUDWIG VAN BEETHOVEN

Swieten, Beethoven ne chômait guère. Chez le comte Rasoumowsky, marié à la seconde des « trois grâces », sœur de la princesse Lichnowsky, il trouvait de jeunes et ardents interprètes toujours prêts à essayer ses ouvrages « tout chauds, comme au sortir du four », et il aimait à recueillir les observations des gens du métier. C’étaient le gros Schuppanzigh, l’alto Weiss, tout en long, Linke, le violoncelliste boiteux, et son intérimaire amateur, le fameux « baron de la musique », Zmeskall de Domanowecz, petit homme roide aux cheveux blancs très drus, joyeux vivant qui servira de cible à d’innombrables calembours, l’innocente manie de Beethoven.

Dans les salons de Lobkowitz, le maître entendra pour la première fois un virtuose de neuf ans, le jeune archiduc Rodolphe dont l’existence devait être si étroitement unie à la sienne. Il y a, dans cette maison, une chapelle assez importante pour mériter la primeur d’une exécution de l’Eroïca, et un jour, un hôte de passage, le prince Ferdinand de Prusse, ne craindra pas de demander à l’orchestre deux exécutions consécutives de cette longue symphonie.

On voit, à tout prendre, que la légende de Beethoven méconnu des Viennois paraît peu justifiée.

Allons retrouver le musicien en une compagnie plus douce encore à son cœur, celle de ses élèves de piano. Arrêtons-nous un moment à l’hôtel des Arts, chez la comtesse Deym, née de Brunsvik, la belle Pepi, sœur cadette de la mélancolique Thérèse. Cette dernière a vingt-quatre ans, c’est une intellectuelle, un peu contrefaite, mais si littéraire et distinguée ! Toutes deux ont demandé des leçons au jeune et célèbre virtuose.