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Page:D’Indy - Beethoven, Laurens.djvu/44

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LUDWIG VAN BEETHOVEN

geôles de la Terreur[1] et, en particulier, au souvenir de la longue agonie qu’avait endurée, dans la prison du Temple, la fille de Marie-Thérèse. Fidelio parut sur l’affiche au moment où Austerlitz ouvrait à Napoléon les portes de la capitale ; seuls, les officiers de l’armée victorieuse en formèrent l’assistance et le succès pécuniaire en fut nul.

Heureusement pour Beethoven, des amitiés fidèles veillaient sur lui. Entre lui et Breuning, dont il partageait le logement aux bords du rempart, les sujets de brouille ne manquaient cependant pas, en raison de leurs rapports journaliers. On se disputait, mais on s’embrassait aussitôt : « Que derrière ce portrait, mon cher, mon bon Étienne, s’efface à jamais ce qui s’est passé entre nous ! » Pouvait-on, d’ailleurs, garder rancune au bon Beethoven ? Breuning occupait ses nuits à arranger le livret de Fidelio, et, aidé des frères de Beethoven, il essayait de voir clair dans la gestion des finances, car, déjà à ce moment, le jeune compositeur n’avait plus que l’embarras du choix pour ses éditeurs. « Le prix que je demande, on me le paie », écrit-il, « quelle joie de pouvoir ainsi obliger des amis nécessiteux ! »

Une autre amitié, féminine celle-là, allait s’employer à le consoler des déceptions de l’amour. Elle s’incarnait en une femme de vingt-cinq ans, jolie, frêle, entourée de trois ravissants enfants, « Fritzi l’unique et les deux

  1. Dans Mes récapitulations, t. II. p. 81 (Paris, 1836), Bouilly, administrateur du département d’Indre-et-Loire pendant la Terreur, déclare avoir voulu célébrer dans sa pièce « l’héroïsme et le dévouement d’une des dames de la Touraine dont j’avais eu le bonheur de seconder les généreux efforts ». D’autres opéras à la mode, le Porteur d’eau de Cherubini, par exemple, développaient le même sujet.