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LUDWIG VAN BEETHOVEN

aux cent voix, qu’elle demande de clamer son exubérant enthousiasme. Ainsi, aux seules dix années qui s’étendent de 1804 à 1815, appartient (les deux chefs-d’œuvre de 1822 et 1823 exceptés) toute la production orchestrale de Beethoven : sept symphonies, neuf ouvertures, sept concertos ou pièces instrumentales, quatre pièces pour orchestre avec chœur, cinq morceaux pour musique militaire, trois mélodrames, un opéra, un oratorio et une messe. Auparavant, il n’y avait rien, que la première symphonie ; et après, deux œuvres colossales seulement, où l’orchestre sert plutôt de moyen que de but. Il importait que cette constatation fût faite pour la confusion de ceux qui prétendent trouver chez Beethoven une absolue unité de style.

Au point de vue technique, les remarques venant à l’appui du changement total de manière seraient si nombreuses qu’elles dépasseraient le cadre de cet ouvrage. Contentons-nous d’indiquer les modifications considérables subies, sans sortir de la route traditionnelle, par le plan de la Sonate, qui tend, chez Beethoven, à se faire poème en deux chants, et aussi par l’architecture intérieure de la Symphonie, qui, tantôt appelle à son aide des instruments jusqu’alors inemployés (trois et quatre cors et les trombones), tantôt inaugure l’apparition d’une pièce pittoresque (VIe symphonie) ou l’adjonction d’une troisième idée (IIIe symphonie) ou encore l’enchaînement et la réapparition des thèmes d’un morceau à l’autre (Ve et VIe symphonies).

Et maintenant, le moment est venu de dire, paraphrasant le récit d’entrée du finale de la neuvième : « Amis, laissons ce style, que des chants s’élèvent, encore plus beaux, toujours plus haut vers le royaume de Dieu ! »