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LUDWIG VAN BEETHOVEN

aura droit à deux saucisses grillées en plus du rôti, sans compter, bien entendu, le verre de vin. » — « Et pour le blanchissage ? » — …

Laissons Charles passer successivement chez le curé de Mödling, à l’institution Küdlich, chez Blöchlinger, à l’Institut polytechnique, essayer tour à tour de la littérature, de la philologie, du commerce. Rien ne réussissait comme on l’aurait voulu.

Ce n’était cependant pas un mauvais garçon que ce Charles. On a de lui des réflexions assez fines, il était assez bon musicien, un peu poète et lettré : « Vous pouvez lui poser une énigme en grec », disait fièrement son oncle. Mais il tenait de sa mère un invincible penchant pour le plaisir. Comment l’empêcher d’aimer le café, le billard, les bals et la société de « certaines demoiselles rien moins que vertueuses », toutes choses sur lesquelles Beethoven n’entend pas raillerie ? — « Une nuit au Prater, au bal ; découché deux nuits ! » note anxieusement le pauvre maître sur son calepin. Et Charles lui réclamant des comptes fantastiques de blanchissage, il soupçonne là-dessous des dettes, il épie les commérages des logeuses, il va jusqu’à suivre l’écervelé à la redoute ! Vaine surveillance : « Je suis devenu moins bon », dira Charles, « dans la mesure où mon oncle m’a voulu meilleur. » Des reproches les plus violents, Beethoven passe à l’expression de la plus folle tendresse. Chez Blöchlinger, on l’entend crier de toute la force de ses pauvres poumons malades : « Tu me déshonores ! Mon nom est trop connu à Vienne… » ; et il tousse, crache, agite en parlant son mouchoir, au grand dégoût du sermonné. « Ah ! par pitié ! » écrira-t-il une autre fois, « ne fais plus saigner mon pauvre cœur ! » Et finale-