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LUDWIG VAN BEETHOVEN

modeste, d’une délicatesse quasi-féminine. Toujours indulgent aux sautes d’humeur du pauvre sourd, l’écoutant avec patience déblatérer contre l’État autrichien qu’il charge de tous les méfaits, depuis le mauvais service des domestiques jusqu’au médiocre fonctionnement des cheminées. Au palais impérial, l’archiduc fera tomber devant Beethoven toutes les barrières de l’étiquette. On le verra se donner la peine de lui chercher lui-même un logement à Baden et employer son influence à caser de pauvres musiciens recommandés par Beethoven. Au moment du Finanz-Patent de 1811 et de la banqueroute réduisant de quatre cinquièmes le florin-papier, il fera le geste généreux de servir à son maître sa pension intégrale, bien que la loi ne l’y obligeât point, entraînera par son exemple les autres contractants, et, calmant les impatiences de Beethoven, il interviendra dans les rouages du procès Kinsky pour en obtenir l’heureuse solution. Son témoignage soutiendra Beethoven contre les calomnies de sa belle-sœur qui s’était traînée jusqu’aux pieds de l’empereur, ou contre la perfidie du juif Pulai qui s’était vanté de perdre le musicien aux yeux de la Cour en lui prêtant des propos athées. « Son Altesse impériale sait avec quel scrupule j’ai toujours rempli mes devoirs envers Dieu, la nature et l’humanité. » Aussi mérita-t-il que Beethoven écrivît de lui à son frère : « Je suis avec Monseigneur sur un si bon pied d’intimité qu’il me serait extrêmement pénible de ne pas lui témoigner mon zèle. » Et l’on peut dire que la reconnaissance fit spontanément éclore dans le cœur du maître les plus émouvantes inspirations de sa dernière manière.

Nous voici en 1818, au moment où les critiques de la