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CÉSAR FRANCK

même de l’improvisation et aucun organiste moderne, voire des plus renommés comme exécutants, ne saurait lui être comparé, même de loin, sous ce rapport[1]. Aussi, quand parfois — mais rarement — l’un de nous était appelé à remplacer le maître retenu par d’autres occupations, n’était-ce pas sans une sorte de terreur superstitieuse que nous osions caresser de nos mains profanes cet être quasi surnaturel accoutumé à vibrer, à chanter, à pleurer sous l’excitation du génie supérieur dont il était pour ainsi dire devenu partie intégrante.

D’autres fois, le maître invitait quelques amateurs, quelques amis, quelques artistes étrangers à venir prendre place à sa tribune ; c’est ainsi que, le 3 avril 1866, son unique auditeur, Franz Liszt, sortit émerveillé de Sainte-Clotilde, évoquant le nom de J.-S. Bach en un parallèle qui s’imposait de lui-même.

Mais que ce fût devant des invités de choix, devant ses élèves, ou simplement pour les fidèles assistant à l’office, les improvisations de Franck étaient toutes aussi profondément pensées, aussi soignées d’exécution les unes que les autres, car il ne jouait point de l’orgue pour être écouté,

  1. Je me souviens de certain offertoire sur le thème initial du VIIe quatuor de Beethoven, qui était bien près d’égaler en beauté la pièce même du maître de Bonn ; ceux qui ont assisté à cette improvisation ne me contrediront certes pas.