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CÉSAR FRANCK

nières paroles qu’il me dit concerne M. Saint-Saëns et je suis heureux de la reproduire fidèlement.

« C’était le lundi soir, quatre jours avant sa mort. Il éprouvait un mieux relatif et je lui donnais des nouvelles du Théâtre-Lyrique[1] auquel il s’intéressait vivement. Je lui parlais naturellement de la soirée d’ouverture, de Samson et Dalila, qui avait obtenu un grand succès, et j’exprimais en passant mon admiration pour le chef-d’œuvre de M. Saint-Saëns. — Je le vois encore, tournant vers moi sa pauvre figure souffrante pour me dire vivement et presque joyeusement, de cet accent vibrant que ses amis connaissaient : Très beau ! très beau ! »

Oui, le maître des Béatitudes sut passer dans la vie les yeux fixés vers un très haut idéal, sans vouloir ni pouvoir même soupçonner les vilenies inhérentes à la nature humaine, dont la gent artiste est, malheureusement, bien loin d’être exempte.

Cette force continue, cette inaltérable bonté, ce fut dans sa foi que Franck les puisa, car il était profondément croyant. Chez lui, comme chez tous les grands, la foi en son art se con-

  1. L’un des nombreux théâtres lyriques parisiens fondés depuis 1870 et qui eurent tous une fort éphémère existence.