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CÉSAR FRANCK

dont ils restent, en des époques très diverses, comme de directes émanations.

Le développement de l’Art pourrait donc être assez justement comparé à l’état d’un arbre dont les invisibles racines s’alimentent des sucs de la terre, sources de la vie matérielle comme les religions sont celles de la vie artistique. Bientôt, le rythme de l’arbre se fait jour, il perce la croûte nourricière, il apparaît à l’air libre, plutôt résultante passive que cause efficiente ; de même, le premier ouvrier génial, bénéficiant inconsciemment du travail accompli par les forces cachées, commence à se manifester en des œuvres qui constituent plutôt un corps de doctrine que de véritables formes de beauté.

De cette tige, d’abord si ténue, qui est l’Art, sortent peu à peu des branches qui ont pour mission d’engendrer elles-mêmes un certain nombre d’autres rameaux, et c’est bien ainsi que se forment les diverses variétés de l’expression artistique. Tout rameau vigoureusement enté sur le tronc principal saura, sous l’action fécondante de la sève, porter feuilles, fleurs et fruits ; mais toute branche qui, soit pour cause d’accident ou de maladie, soit par refus de recevoir le suc nourricier, se sera séparée de l’entité traditionnelle, est fatalement destinée à se dessécher et à mourir.