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Page:D. - Mémoires d’une danseuse russe, 1893.djvu/40

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Mais si je ne voyais pas, j’entendais les coups assénés brutalement sur la peau froissée et les cris arrachés à la pauvre victime. Ces sanglots mêlés au bruit sinistre des verges, car elle se servait de verges, en contact avec la chair assommée, me déchirait le cœur, car je n’aimais que ma mère au monde, et elle me le rendait bien, la pauvre femme, quand on ne nous voyait pas. On n’aimait pas ces sensibleries. Sensibleries, l’amour maternel, l’amour filial ! Il est vrai qu’on nous prenait pour moins que des brutes.

Enfin le brouillard se dissipa. Je vis alors les fesses de ma pauvre mère couvertes d’un véritable tapis rouge, elle qui les avait si blanches. Les cuisses n’avaient pas été plus épargnées que le derrière, elles étaient cramoisies, et toute la partie fouettée se secouait sous la douleur cuisante qui devait la brûler. La verge retombait toujours plus fort.

Cette vue n’était pas faite pour me consoler, et de nouveau mes yeux se remplirent de larmes. Je ne vis plus cet affligeant spectacle, mais j’entendis, jusqu’à la fin de la danse, les sanglots mêlés au bruit sinistre