Page:Dabit - L'hotel du nord, 1929.djvu/17

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dage de sa femme confirme ses propres impressions. Cet accord lui semble, pour leur projet, un gage de réussite. Autrefois, lorsque après bien des palabres, son beau-frère, commerçant enrichi, lui a proposé d’avancer l’argent pour l’achat d’un petit hôtel, Louise, devant les risques d’un avenir incertain, n’a pas caché ses appréhensions. Une décision aussi aventureuse rebutait sa prudence et sa simplicité d’ouvrière. Pour elle, le bonheur, c’était de vivre avec les siens sans chômage ni maladie. On allait acheter un fonds. Et puis après ? Ni elle, ni Émile, ne connaissaient le métier d’hôtelier. N’était-ce pas tenter la destinée, demander plus que la vie ne peut offrir ? On n’a jamais été patrons, observait-elle.

Lecouvreur a tenu bon. Et voici qu’elle se rassure depuis que le projet prend corps. Elle se laisse aller à l’espoir, à la confiance. Ne se voit-elle pas, lavant, astiquant, mettant « une petite cretonne » dans les chambres ? Un monde vierge s’offre à elle, une chance, enfin, d’embellir ses jours, de fixer sa vie…

Lecouvreur, très résolu, ne s’exalte pas. Mais qu’il a plaisir à sentir l’animation de sa femme ! Il lui sourit et l’encourage d’un