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Julot, qui aide au repêchage, saute dans une barque, donne quelques coups de rames vigoureux et saisit le noyé par un bras ; il a une grimace ; puis il empoigne une jambe, soulève le corps et le fait passer tout entier dans la barque.

« Tiens, c’est une poule, » dit-il. Sa voix, renvoyée par l’eau, s’élève dans le silence.

Il reprend les rames, arrive au quai. Des bras se tendent pour l’aider. Lecouvreur s’est faufilé jusqu’au pied du brancard ; on y dépose le cadavre ruisselant.

Un visage de femme, jeune, tuméfié, taché de vase, la bouche tordue, les yeux clos ; des cheveux gluants comme de la filasse mouillée. La méchante robe noire colle à des membres grêles. Une jeune fille, peut-être ? Les souliers bâillent ; un bas, déchiré, découvre un peu de chair.

— Une suicidée ? demande quelqu’un.

— Dame ! répond Julot. Oh ! l’été, on en repêche tous les jours.

— Une gosse qu’on aura plaquée, murmure Lecouvreur. Il pense à Renée.

La vue de ce cadavre le rebute. Il se détourne, une chanson qu’on chante chez Latouche lui revient en tête :