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— Mon cher ami ! Moi qui voulais vous voir. Venez donc chez moi.

Et il partait devant Jacques d’un pas allègre. Heureuse diversion ! Mais si le Père Vincent lui tendait un de ces traquenards dont les Pères Spirituels agencent les pièces avec les surveillants et le Père Préfet ?

— Asseyez-vous, Jacques.

Le Père Vincent fermait un carreau et tirait le rideau d’étamine sur sa bibliothèque. Jacques, devant le Père Vincent, songeait aux moines paillards des fabliaux ; il l’avait dit au Père, et le Père Vincent avait fermé les yeux pour rire de bon cœur. Il n’a peur de rien, le Père Vincent.

Un livre était ouvert sur la table.

— Que lisez-vous de beau, Père ?

Le Père lui tendit la Femme Pauvre.

— Ah ! du Bloy. J’ai essayé de lire le Désespéré, en septembre. Je me suis lassé ; il y a trop de pamphlet là-dedans.

— Jacques, lisez la Femme Pauvre. Tenez, écoutez.

Et il lui lut un paragraphe. Sa main esquissait des gestes. La misère humaine s’était ramassée dans ce passage de la Femme Pauvre et dans le cœur d’un écrivain lancé pour l’éternité à la poursuite de Dieu.

— Vous me le prêtez, Père ?

— Oui, oui, couvrez-le. Et ne le lisez pas en classe. Je ne veux pas me faire le complice de vos mauvais coups.

Ça y est, pense Jacques ; il aborde le sujet.