Page:Dablon - Le Verger, 1943.djvu/118

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penses que je crois à la mystique de ton père Vincent ! De quels verjus te gave-t-il ?

— Saint-Denis, tu es étroit. Si le Père Vincent m’avait ouvert des voies neuves, en pleine vie… Tu décrédites un homme que tu ne connais pas.

Le visage de Tristan se rembrunit.

— Il t’a mis le grappin dessus ; il a fait que nous ne nous comprenons plus. Tu finiras par passer aux moines comme Pierre Morand, comme tous ceux qui ont fréquenté sa maudite chambre. Tous ceux qui ont écouté le Père Vincent en ont été pour leur liberté.

Jacques revoit dans ce mot de liberté le verset de saint Jean que la grosse main du Père Vincent a greffé de mémoire sur un paragraphe de la Femme Pauvre : « Quand le Christ vous aura libérés, vous saurez vraiment ce que c’est que la liberté ». Mais Saint-Denis ne soupçonne pas ces vérités, et Jacques lui-même, qui y devine un mystère de la pureté, se tient à distance, car des restes de péché lui en interdisent le seuil.

— On peut avoir besoin d’un homme… On ne peut tout décider au pied levé.

Saint-Denis prend son air méchant, et ses taches de rousseur lui grouillent sous les yeux :

— Moi, je n’ai besoin de personne.

Et il plante Jacques sous le préau.



Le train filait vers Québec. Les écriteaux des gares se succédaient rapidement sous les yeux d’André, ponctuant de repères joyeux la succession des sapi-