Page:Dablon - Le Verger, 1943.djvu/120

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vient, son idée de vocation. Si avant qu’il pénètre, il s’arrête au petit Père Blanc qui ressemblait à Notre-Seigneur et qui avait fait rire les élèves avec des tas d’histoires, et pleurer aussi. Il y avait ensuite le père de Jacques répétant dans son langage : « Mon homme, si tu veux entrer dans les ordres, je te constituerai une belle dot. » Mais des paroles d’enfant, le vœu de Monsieur Richard, si pieux soit-il, cela ne tire pas à conséquence.

Jacques oublie que des mioches peuvent mouvoir le monde. Il comprend mal que ce qu’il ramène à un souvenir ne soit plus un souvenir, mais acquière un être nouveau dans sa conscience et pèse comme un désir ; les aspirations les plus généreuses du jeune homme mûrissent maintenant un vague et réel besoin d’immolation. Les idées qu’il n’a pas faites siennes ne surgissent pas avec la même ténacité au terme de réflexions divergentes. N’est-ce que l’ambition normale d’un jeune homme élevé religieusement ? Ah ! oui, il peut en parler de son éducation religieuse, un revêtement qu’il redoute de voir s’abattre d’un seul fracas (mais s’il redoute de le voir s’abattre, peut-il l’appeler un mauvais revêtement ?)

Et Pierre Morand dont le départ soudain avait alerté Jacques ; un garçon d’un naturel aussi riche que Saint-Denis, ce Pierre, plus fougueux, qui avait absorbé sans vergogne, pendant des années, les liqueurs licites ou illicites des nouveaux riches, dans une ambiance familiale très mondaine ; il avait cherché où il pouvait l’amour que les siens lui refusaient. Il vivait aujourd’hui comme un petit saint dans son moutier.