Page:Dablon - Le Verger, 1943.djvu/137

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l’opération délicate au doigté du Père Vincent ? Le Père Préfet s’occuperait du benjamin.



Les deux frères ont laissé le collège derrière eux. L’air pénètre dans les poumons avec un petit bruit sec, et le ciel est figé comme en septembre à l’île. Lorsque septembre revient à l’île, les pommiers sont lourds dans le verger et le soir, du côté de Montmorency, entre les étoiles qui clignent de froid, des aurores boréales à profusion montent et descendent, tels de grands voiliers perdus dans les mers du nord. Les chiens aboient dans les cours comme s’ils redoutaient un cataclysme. C’est le moment où il faut dire bonjour au Verger, car le collège ouvre ses portes. Dans la lingerie, Madame Richard marquait le linge d’André ; Jacques, qui errait par la maison à cette époque de l’année (les premiers jours de septembre sont la lie des vacances), avait surpris sa mère, en larmes, une fois. Elle se tourmentait pour André, évidemment ; on avait beau lui répéter à André qu’il serait pensionnaire, il ne comprenait rien. Jacques, lui, avait retrouvé dans la lingerie des chagrins de petit pensionnaire oubliés depuis longtemps. Au collège, il s’était occupé d’André. Il répondait aux questions d’André ; il y mettait même de la commisération et refrénait ses impatiences. La tendresse pèse de nouveau ce soir, comme un poids qui l’inclinerait vers la misère du petit. Mais le remords tenaille Jacques ; le jeune homme craint de perdre sa conquête