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Page:Dablon - Le Verger, 1943.djvu/15

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Chapitre II

UN DIALOGUE IMPOSSIBLE


Jacques se retrouva seul avec la nuit.

Comme il aimait, sur la pointe de l’île, face à Québec, la demeure achetée autrefois d’un paysan, décorée par sa mère dans le style local, conquise par les siens pendant plus de vingt saisons, et enrichie d’une légende nouvelle ! Il aimait son chez-lui comme un pensionnaire sait aimer les murs qui le recueillent à la sortie du collège : la propriété tout entière, les pelouses, le potager de la vieille Marie avec ses pois de senteur, le verger auquel le domaine empruntait son nom, les peupliers et les érables qui embrassaient les terres, festonnaient les allées, enserraient la maison de pierre, comme pour mieux dérober au passant l’histoire d’une famille heureuse qui redoutait le destin. Les familles avaient sans doute une histoire qui ressemblait à celle des hommes ; un jour, on les expulsait du paradis.

Par ses deux fenêtres, la chambre de Jacques et d’André plongeait sur le fleuve et sur la campagne. Les persiennes étaient closes et les lames baissées