Page:Dablon - Le Verger, 1943.djvu/162

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— Plus que vous croyez. Ils ne parlent pas fort ; ils ne parlent pas avec des mots ; seulement, leurs œuvres sont un acte d’amour. Jacques, avez-vous lu saint Paul ?

Et sans attendre la réponse, il se retourne, tire un volume des rayonnages et le tend à Jacques :

— Lisez saint Paul, et dites-moi si vous pouvez expliquer autrement que par l’amour de Jésus-Christ une seule de ces pages.

Jacques a ouvert saint Paul (le Père a recommandé de ne pas débuter par l’épître aux Romains). Il y tente de brèves excursions qui évoquent les nages écourtées, par gros temps, quand les vagues autour de l’île se concertent pour vous étourdir. Ce n’est pas la première fois que le sens d’une œuvre se dérobe à sa prise, telle la plage rugueuse sous les pieds du nageur suffoqué. Toute vérité n’est pas également accessible.

Un peu comme à la maison, pensait Jacques. Il avait fait une découverte au fort de l’été. Monsieur Richard ne touchait jamais à l’économie domestique, sinon pour solder les mémoires des fournisseurs. Mais il avait un caractère difficultueux ; quand il revenait de la fabrique, il fallait que rien ne clochât et, depuis des années, rien ne clochait. Jacques se demandait par quel enchantement les rouages s’ajustaient avec autant de précision au Verger qu’à la fabrique. Il a observé. Un signe de tête, et la maison se met en branle ; Madame Richard assiste à l’exécution précise de ses ordres ; elle tient en réserve pour l’imprévu des délais et des mutations que son expérience lui a enseignés et dont elle use avec discernement. Car