Page:Dablon - Le Verger, 1943.djvu/69

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

savait où se poser. L’oncle Paul n’en fait jamais d’autres ; sa déconvenue lui donne l’air piteux d’un gamin qui a cassé un carreau en voulant rendre service. Tout le monde a compris, sauf l’oncle Paul, que Monsieur Richard paiera l’amende à la Police de la route pour avoir fait enfreindre à Jacques les règlements de la circulation entre Québec et Montmorency.

Jacques n’avait jamais été aussi attentif que depuis son retour du collège à recueillir les moindres miettes qui tombaient de la table paternelle ; elles avaient le goût et le poids du passé. Comme le pays de son enfance, les menus incidents autour de cette table représentaient un esprit et une sagesse, et s’articulaient sans effort sur le monologue du maître, quand on signifiait aux cadets de se taire, et sur le dialogue des époux, ce mouvement de navette à dessin mystérieux sous les yeux amusés ou inquiets des enfants. C’est avec ces détails que l’on fait des hommes. La vieille Marie, avec des chiffons de couleur, fabrique des catalogues qui sont l’orgueil du Verger. Tout chacun peut le tourmenter à qui mieux mieux, Jacques n’a pas le cœur à la réplique. Il regarde, par la porte ouverte du solarium, la photo et le sourire ambigus de Lucien Voilard s’estomper dans le cadre chromé.

— Tu as l’air inquiète, maman, disait le père.

— Ce sont les promenades de Jacques vers la Saulaie, je présume.

Guy avait parlé lentement.

— Voulez-vous laisser mon beau Jacques tranquille ! dit Madame Richard en se levant de table.