Page:Dablon - Le Verger, 1943.djvu/87

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— Noël ! Vous salissez tout mon plancher ! Enlevez-moi ce linge mouillé, et vite. Pendant que vous vous habillerez, mon mari vous versera une larme de cognac dans votre café ; ça vous stimulera. Venez.

Les roulades de Noël secouent la chambre voisine ; les Noces de Figaro, Lucia de Lamermoor, Tannhaüser, le répertoire y passe.

Toute la journée, il pleuvina. Madame Legendre avait soigneusement clos portes et fenêtres et allumé un feu dans la cheminée. Une pluie fine et persistante sur un chalet isolé des Laurentides est une invitation à se recueillir, et à observer de plus près l’âme qui s’abrite sous l’écorce des hommes.

Monsieur Legendre s’affairait dans la cuisine autour d’une soupe à l’oignon. Il avait interdit à tous les habitants l’entrée de son laboratoire ; seul Ado, parce qu’il se taisait, avait obtenu droit de cité et réparait des engins de pêche en fumant à longues tirées. Jacques regardait Maurice, en pantalon et chemise brune, affûter une hache sous l’appentis. Plus d’horizon, plus de montagne ; quelques pins qui enfilaient des perles sur leurs aiguilles, un chalet à la fumée rabattue par des paquets de pluie, un îlot de terre molle collant aux semelles et que l’on se figurait à la dérive sur la mer.

— Le train de Québec, à quelle heure passe-t-il ?

— À cinq heures. Tu ne songes pas à partir ?

Jacques, au vrai, rougissait de son propos. On ne pouvait pas condamner Ado à une nouvelle promenade dans la boue de la coulée, sous la flagellation mouillée des éricales. On n’avait pas même organisé une excursion de pêche encore. Et il ferait bon de courir l’aven-