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LE VERGER

qu’elles dressent une embâcle où Joson montera pour mourir : Noël a tout préparé pour le sacrifice.

Après la nuit de veille avec Menaud, on s’achemine vers le village et vers la maison du vieux draveur où Marie attend le corps de son frère. « Alors un cri déchirant ébranla les murs et tout le silence de Mainsal. La sœur de Joson sortit… se retourna contre le chambranle, et son cœur se mit à battre comme un marteau funèbre annonçant l’entrée de la mort ».

Noël referma le livre sans bruit. La grive avait entonné son chant vespéral dans la paix des fourrés, et les trilles des pinsons qui s’ébrouaient sous les feuilles mouchetaient de notes claires la gravité de sa cantilène. Les jeunes gens se taisent. Mimi regarde le feu lécher les grosses pierres rondes, comme la rivière apaisée ; elle écoute le grincement des roues dans le chemin de Mainsal. Monsieur Legendre tient sa pipe éteinte dans ses mains et Ado, près du bûcher, dit après un long silence :

— Il faudra que je demande à la mère de l’acheter, ce livre-là.

Mimi ne peut nier que Noël ait une bien belle voix. Tandis que Madame Legendre ranime la lampe qui commence à charbonner, Jacques sort sur la véranda ; des bouffées d’air chaud rampent comme des brumes dans les sous-bois et une chaleur mouillée s’appesantit sur les monts. Les constellations s’allument entre les nébuleuses, la Grande Ourse, le Serpent, l’étoile polaire, le firmament de l’île. Lorsque la brise haletante s’englue dans les pins aux dernières heures du montant et que l’île s’endort dans sa touffeur humide