Page:Daire - Physiocrates.djvu/101

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père, quoique celui-ci, absorbé complètement par les affaires judiciaires, n’y eût guère eu d’autre part que de répéter souvent au jeune homme cette allégorique et brève leçon de morale : Le temple de la vertu est appuyé sur quatre colonnes : l’honneur et la récompense, la honte et la punition. Sa mère s’en était fort inquiétée, au contraire ; et elle s’alarma plus que jamais quand elle vit son fils résolu à échanger une existence modeste, mais certaine, contre la perspective aventureuse d’un avenir plus brillant, il est vrai, mais assez semé d’écueils pour que le naufrage ne fût pas impossible. Quesnay, malgré tout le respect qu’il portait à sa mère, ne pouvait, on le conçoit bien, céder aux craintes qu’elle éprouvait. Il lui fit connaître avec fermeté l’intention qu’il avait conçue de se vouer à l’étude de la médecine, et quitta la maison paternelle pour aller prendre d’abord des leçons de chirurgie auprès d’un praticien du voisinage.

Le maître que Quesnay avait choisi ne lui fut pas d’un grand secours. L’art de saigner fut tout ce qu’il en put apprendre. Mais, en revanche, l’élève devint, sans le savoir, très utile au professeur. Ce dernier exerçait sans diplôme, parce qu’il manquait des connaissances dont il aurait fallu justifier pour l’obtenir. La pensée lui vint de s’emparer, en l’absence de Quesnay, des cahiers où celui-ci consignait le résumé de ses observations et de ses lectures. Ayant exécuté ce projet, il vint à Paris les présenter au lieutenant du premier chirurgien du roi comme des leçons qu’il donnait à son élève. Ce travail fut trouvé excellent par l’examinateur, et celui qui s’en attribuait le mérite pourvu, sans autre justification, de ses lettres de maîtrise. La science de l’élève servait aussi de passeport à l’ignorance du maître, et c’était Quesnay qui recevait ses grades sous le nom d’un autre.

Quesnay, sans s’être aperçu de ce stratagème, reconnut bientôt la profonde incapacité de son auteur. Édifié sur le compte de son maître, il l’abandonna, et vint à paris continuer son éducation médicale. L’amour de la science le suivit sur ce nouveau théâtre, où il sut conserver encore les habitudes laborieuses, les goûts simples contractés au village, et la régularité de mœurs à laquelle l’avait accoutumé la vie de famille. Pendant un séjour de cinq ou six années, la théorie et la pratique de la médecine et de la chirurgie, ainsi que des sciences accessoires, telles que la physique, la chimie et la botanique, formèrent son occupation princi-