Page:Daire - Physiocrates.djvu/142

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ment le plus avantageux aux hommes, relativement aux lois fondamentales de leur droit naturel.

Mais en considérant les facultés corporelles et intellectuelles, et les autres moyens de chaque homme en particulier, nous y trouverons encore une grande inégalité relativement à la jouissance du droit naturel des hommes. Cette inégalité n’admet ni juste ni injuste dans son principe ; elle résulte de la combinaison des lois de la nature ; et les hommes ne pouvant pénétrer les desseins de l’Être-Suprême dans la construction de l’univers, ne peuvent s’élever jusqu’à la destination des règles immuables qu’il a instituées pour la formation et la conservation de son ouvrage. Cependant, si on examine ces règles avec attention, on apercevra au moins que les causes physiques du mal physique sont elles-mêmes les causes des biens physiques, que la pluie, qui incommode le voyageur, fertilise les terres ; et si on calcule sans prévention, on verra que ces causes produisent infiniment plus de bien que de mal, et qu’elles ne sont instituées que pour le bien ; que le mal qu’elles causent incidemment, résulte nécessairement de l’essence même des propriétés par lesquelles elles opèrent le bien. C’est pourquoi elles ne sont, dans l’ordre naturel relatif aux hommes, des lois obligatoires que pour le bien ; elles nous imposent le devoir d’éviter, autant que nous le pouvons, le mal que nous avons à prévoir par notre prudence.

Il faut donc bien se garder d’attribuer aux lois physiques les maux qui sont la juste et inévitable punition de la violation de l’ordre même des lois physiques, instituées pour opérer le bien. Si un gouvernement s’écartait des lois naturelles qui assurent les succès de l’agriculture, oserait-on s’en prendre à l’agriculture elle-même de ce que l’on manquerait de pain, et de ce que l’on verrait en même temps diminuer le nombre des hommes, et augmenter celui des malheureux ?

Les transgressions des lois naturelles sont les causes les plus étendues et les plus ordinaires des maux physiques qui affligent les hommes : les riches mêmes, qui ont plus de moyens pour les éviter, s’attirent par leur ambition, par leurs passions, et même par leurs plaisirs, beaucoup de maux dont ils ne peuvent inculper que leurs dérèglements. Ceci nous mènerait insensiblement à une autre cause du mal physique et du mal moral, laquelle est d’un autre genre que les lois physiques ; c’est le mauvais usage de la liberté des hommes. La liberté, cet attribut constitutif de l’homme, et que l’homme voudrait étendre au-delà de ses bornes, paraît à l’homme n’avoir jamais tort : s’il se nuit à lui-même, s’il détruit sa santé, s’il dissipe ses biens et ruine sa famille par le mauvais usage de sa liberté, il se plaint de l’auteur de sa liberté lorsqu’il voudrait être encore