Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 1.djvu/567

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l’établir et le rendre vraiment homme. Toute ma vie est pour moi une source de regrets ; trop souvent j’ai méconnu vos sentiments, peu écouté vos paroles, et tant d’autres choses que je ne puis rapporter ; veuillez bien me tout pardonner. De cinq enfants que nous étions, voilà que trois sont martyrs ; devant Dieu quelle plus grande gloire pouvait-on désirer ? Pour les autres saints, pour mon frère et ma sœur, la chose n’est pas étonnante ; mais pour un être comme moi, quelle grâce extraordinaire !

« Et vous, mon épouse, maintenant pardonnez, pardonnez-moi. Il n’y a pas de mari aussi mauvais que je l’ai été, et tout ce que j’ai à me reprocher à votre égard ne pourrait s’écrire. Pendant les treize années de notre union, je ne suis jamais entré dans vos sentiments et ne vous ai causé que des afflictions ; voici que tout à coup je me trouve en face de la mort. Que vous dirais-je ? Nous ne pourrons plus désormais vivre ensemble en ce monde ; il n’y a donc nul remède au passé, et le regret seul me reste. Quoique j’aie si mal rempli mes devoirs d’époux, si j’obtiens de monter au royaume du Ciel, j’intercéderai pour vous obtenir une bonne vie et une bonne mort, et, moi-même, messager du bonheur qui vous est destiné par notre Père céleste, je viendrai à votre rencontre, et vous conduirai par la main pour vous mettre en possession des joies éternelles.

« Je vous le recommande instamment, soyez soumise en toutes choses à la volonté de Dieu, regrettez toutes les choses du passé, regardez ce monde comme un songe, et considérez l’éternité comme votre véritable patrie. Ah ! comment ai-je pu faire tant de cas d’un monde si futile ? Dans quelques jours, tout paraît devoir finir pour moi. Maintenant seulement je le comprends, tout, même les plus petites choses, dépend de la volonté de Dieu, et les projets des hommes ne sont que vanité ; mais le regret même n’aboutit à rien.

« Ma mère, vous êtes encore de ce monde, mais pour combien de jours ? Soyez heureuse de voir les enfants que vous avez mis au monde suivre, l’un après l’autre, le chemin du martyre, excitez-vous à une véritable contrition, et faites en sorte d’obtenir la grâce d’une bonne mort. Les paroles de mon frère et de ma sœur, à leur dernière heure, ont été pleines de dévouement et de piété filiale ; quelles que soient les miennes, veuillez bien y penser. Je ne vous oublierai pas non plus, ma belle-sœur aînée, non, je ne vous oublierai pas. Quel est celui de mes frères et sœurs pour lequel je puisse être indifférent ? Toutefois les peines et les soins que vous avez pris pour moi ne le cèdent qu’à ceux qu’a