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pris ma mère elle-même ; et c’est aussi en vous, après ma mère, que je me confiais et m’appuyais davantage. Quand j’allai à Ien-p’ong, il y a quelques années, je revins sans avoir pu vous voir ; je le regrette dix mille fois, mais qu’y faire maintenant ? Que notre rendez-vous soit donc dans l’éternité !

« Mon fils et ma fille, par un bienfait du Seigneur je suis devenu votre père, mais la gravité de mes péchés m’a empêché de remplir convenablement mes devoirs, et avant même que vous ayez l’intelligence ouverte, voici que le fil de mes jours se trouve coupé. N’ayant à vous laisser en héritage ni vertus ni richesses, je vous laisse seulement deux mots en testament. Ayez soin de suivre fidèlement la volonté de Dieu, et d’exercer envers votre mère tous les devoirs de la piété filiale. Vis-à-vis de toutes les autres personnes, soyez affables et pleins de charité, et si, dans ce monde, vous suivez la bonne voie, vous monterez certainement au royaume du Ciel. Je n’ai guère le droit de parler ainsi, moi pauvre pécheur, mais je suis père, et c’est mon devoir d’exciter mes enfants au bien. Je vous recommande encore de graver dans vos cœurs ce sage proverbe des anciens : Ne vous permettez jamais défaire le mal, quoiqu’il semble léger ; efforcez-vous toujours de faire le bien quelque peu considérable qu’il paraisse. J’aurais bien des choses à dire à beaucoup d’autres personnes, mais non-seulement le papier et les pinceaux me manquent, mais je viens encore de subir une violente torture qui m’a ôté l’usage de la partie inférieure du corps, je suis chargé d’une cangue du poids de plus de vingt livres, et ma raison est toute troublée et mon bras tremblant. Je ne puis donc en dire davantage. Surtout, surtout, tâchez de passer une bonne vie, et de faire une sainte mort. Je l’espère mille fois, dix mille fois.

« Année tieng-hai, le 14 de la cinquième lune. »
« Paul Ni, pécheur. »


Le lendemain, Paul écrivit une lettre particulière à sa femme, cette lettre porte pour suscription : À la mère de Tieng-ei, parce que la politesse de ce pays demande que les femmes soient désignées par le titre de mère de tel ou tel de leurs enfants. Tieng-ei était le nom du jeune fils de Paul.


« Depuis notre mariage, pendant treize ans, nous n’avons pu passer l’un et l’autre un seul jour tranquille, et nous avons eu toutes sortes de misères. Séparés tout d’un coup, nous ne devons