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Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 1.djvu/100

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Chine, les habitants des diverses provinces ont une manière très-différente de parler leur langue. Les caractères sont les mêmes et ont le même sens pour tous, mais leur prononciation varie tellement que les habitants du Fokien, par exemple, ou de Canton, ne sont compris dans aucune autre province. Il n’y a donc pas lieu de s’étonner que le chinois des Coréens soit incompréhensible aux habitants du Céleste-Empire, et que les deux peuples ne puissent ordinairement converser que par écrit, en dessinant les caractères sur le papier avec un pinceau, ou dans la paume de la main avec le doigt.

Avant que la conquête chinoise eût amené l’état actuel des choses, les Coréens ont-ils eu une littérature nationale ? et qu’était cette littérature ? La question est très-difficile à résoudre, car les anciens livres coréens, tombés dans un oubli complet, ont presque tous disparu. Pendant les longues années de son apostolat, Mgr Daveluy était parvenu à en recueillir quelques-uns excessivement curieux, ils ont péri dans un incendie. Aujourd’hui, on n’écrit presque plus de nouveaux livres. Quelques romans, quelques recueils de poésie, des histoires pour les enfants et les femmes, c’est à peu près tout.

Les enfants apprennent à lire le coréen, sans s’en douter pour ainsi dire, par la traduction qui est donnée dans les livres élémentaires où ils étudient le chinois ; mais ils ne reconnaissent les syllabes que par habitude, car ils ne savent pas épeler, ou décomposer ces syllabes en lettres distinctes. Les femmes, les gens de basse condition qui n’ont pas le moyen ou le temps d’apprendre les caractères chinois, sont forcés d’étudier les lettres coréennes ; ils s’en servent pour leur correspondance, leurs livres de compte, etc… Tous les livres de religion imprimés par les missionnaires sont en caractères coréens. Aussi presque tous les chrétiens savent lire et écrire leur langue, en lettres alphabétiques, que les enfants apprennent très-rapidement.

Cette rareté des livres coréens, le peu de cas que les lettrés font de leur langue nationale, et surtout la législation barbare qui interdit l’accès du pays à tout étranger, sous peine de mort, sont cause que la langue coréenne est complètement ignorée des orientalistes. Depuis bientôt quarante ans, il y a des missionnaires français en Corée ; seuls, de tous les peuples, ils ont vécu dans le pays, parlant et écrivant cette langue pendant de longues années. Et néanmoins, chose étrange ! jamais aucun savant n’a songé à s’adresser à eux pour avoir, à ce sujet, les notions exactes que seuls ils pouvaient communiquer. Il n’entre pas dans