Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 1.djvu/15

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ait été arrêtée par les missionnaires. Au reste, ce petit inconvénient est commun, on le sait, à tous les livres d’histoire et de géographie qui parlent de l’extrême Orient. Il est même moindre ici que dans d’autres livres, parce que tous les missionnaires étaient français, habitués, par conséquent, à donner une valeur identique aux mêmes lettres de l’alphabet.

Une objection que l’on fera peut-être, et que je me suis faite moi-même plus d’une fois, c’est la monotonie de certains récits de persécution : toujours les mêmes interrogatoires, les mêmes questions, les mêmes réponses, les mêmes supplices : toujours d’un côté la même lâcheté dans la force et le mensonge, et, en face, le même courage dans la faiblesse et la vérité. Mais cet inconvénient, si c’en est un, est inévitable dans une histoire comme celle-ci. Les pages d’un martyrologe sont nécessairement monotones comme des bulletins de victoire, et bien des chapitres de ce livre ne sont qu’un martyrologe. Puisque ni les bourreaux ne se sont lassés de torturer, ni les chrétiens de mourir, ni Dieu de donner à ses martyrs la force et la persévérance, pourquoi me serais-je lassé de raconter leurs triomphes ? Pourquoi laisser dans un oubli volontaire parmi les hommes, ceux qui sont maintenant les élus de Dieu, et dont un grand nombre seront un jour, il faut l’espérer, placés sur nos autels ?

D’ailleurs, une raison toute spéciale et d’une importance souveraine me défendait de supprimer ou de trop abréger les actes des martyrs. Il n’y aura pas d’autre histoire de ces témoins de Jésus-Christ, puisqu’il n’y a pas d’autres documents. Or les originaux chinois et coréens recueillis par Mgr Daveluy ont péri dans un incendie, en 1863 ; les copies de ces relations qui se trouvaient dans diverses chrétientés indigènes ont été détruites pendant la dernière persécution ; les traductions envoyées en Europe, ainsi que la correspondance des missionnaires, n’existent que dans les archives du séminaire des Missions-Étrangères, et, si un accident les faisait disparaître, l’histoire des origines de l’Église de Corée serait irrémédiablement perdue. Il fallait donc assurer la connaissance de ces faits qui appartiennent à l’histoire générale de l’Église catholique ; il fallait surtout conserver, pour les chrétiens de Corée, ces glorieux récits de la foi et des souffrances de leurs pères, indiquer autant que possible le nom, la famille, l’histoire particulière de chacun des martyrs, afin que ces noms, ces faits, ces détails puissent être connus un jour de leurs descendants, dont ils seront le plus beau titre de noblesse.