Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 1.djvu/162

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faire avoir une ? — Vous êtes trop bon de penser à moi, cela s’arrangera peu à peu. — Mais enfin, combien te faudrait-il pour te loger et t’établir passablement ? — Ce n’est pas petite affaire. Il me faudrait une maison, quelques meubles, et un petit coin de terre à cultiver. — Deux cents nhiangs (environ quatre cents francs) te suffiraient-ils ? — Je crois qu’avec deux cents nhiangs je pourrais m’en tirer très-passablement. — Eh bien ! j’y songerai. Marie-toi, fais bon ménage, et sois plus exact désormais à payer tes impôts. » Chaque mot de cette conversation fut répété à l’oncle ; il vit qu’il fallait s’exécuter sous peine de devenir la fable de toute la ville, et quelques jours après ses noces, le neveu eut à sa disposition une maison, des meubles, et les deux cents nhiangs dont avait parlé le mandarin. »

Si ce système de communauté d’intérêts et d’obligations réciproques entre les membres d’une même famille a ses avantages, il ne manque pas non plus d’inconvénients graves. Nous en avons déjà signalé quelques-uns en parlant des fonctionnaires publics. Il est rare que, dans une famille un peu nombreuse, il ne se trouve pas quelques fainéants, quelques individus dévoyés, qui, incapables d’occuper un emploi ou de gagner honnêtement leur vie, vivent aux dépens de leurs proches, volant à celui-ci un bœuf, à celui-là un chien, à un autre de la toile, de l’argent, des provisions, empruntant pour ne jamais rendre, et arrachant par violence ce qu’on ne veut pas leur donner de bonne grâce. Quelquefois ils vont jusqu’à enlever des titres de propriété qu’ils vendent à leur profit, ou même jusqu’à fabriquer des titres faux qu’ils donnent en gage à des étrangers. Ils sont presque assurés de l’impunité, car non-seulement les mœurs du pays ne permettent pas de livrer un parent à la justice, mais elles obligent tous les siens à le soutenir et à le défendre s’il tombe entre les mains du mandarin. Les voisins, quand ils ne sont pas lésés personnellement, ne peuvent pas intervenir ; on les prierait de se mêler de leurs propres affaires. Les mandarins ne peuvent guère s’occuper d’eux, puisqu’il n’y a pas d’accusation formelle, et qu’il serait impossible de trouver des témoins dans la famille des coupables. D’ailleurs, en règle générale, un mandarin est un homme qui se résigne à grand’peine à examiner et traiter les affaires qu’il ne peut éviter ; où en trouver un qui par amour platonique de la justice, irait, de gaieté de cœur, se créer des embarras ou des ennuis ? La seule ressource des familles en pareil cas, est de prendre la loi entre leurs mains. Il faut qu’un des chefs donne les ordres nécessaires ; les autres saisissent le coupable, l’enferment ou lui infligent une vigoureuse