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et les devins ; ils multiplient les conjurations, les sacrifices, les sortilèges, avant, pendant, et après toutes leurs actions ou entreprises importantes. Dans chaque maison, il y a une ou deux cruches en terre pour renfermer les dieux pénates : Seng-tsou, le protecteur de la naissance et de la vie ; Tse-tsou, le protecteur des habitations, etc., et de temps en temps on fait devant ces cruches la grande prostration. Si quelque accident arrive en passant sur une montagne, on est tenu de faire quelque offrande au génie de la montagne. Les chasseurs ont des observances spéciales pour les jours de succès ou d’insuccès ; les matelots plus encore, car ils font des sacrifices et offrandes à tous les vents du ciel, aux astres, à la terre, à l’eau. Sur les routes, et surtout au sommet des collines, il y a de petits temples ou seulement des tas de pierres ; chaque passant accrochera au temple un papier, ruban, ou autre signe, ou jettera une pierre dans le tas. Le serpent est ici, comme partout et toujours chez les païens, l’objet d’une crainte superstitieuse ; très-peu de Coréens oseraient en tuer un. Quelquefois même, ils fournissent de la nourriture en abondance, et régulièrement, aux serpents qui se logent dans les toits ou les murailles de leurs masures. Un homme en deuil ne peut donner la mort à aucun animal ; il n’ose même pas se débarrasser de la vermine qui le dévore. Les femmes, qui en ce pays font tous les métiers possibles, ne voudraient jamais tuer un poulet, ni même le vider après qu’il aurait été tué par une autre personne.

La plupart des familles conservent précieusement le feu dans la maison, et font en sorte de ne jamais le laisser éteindre. Si un pareil malheur arrivait, ce serait pour la famille le pronostic et la cause des plus grandes infortunes. Pour l’éviter, tous les jours, après avoir préparé le repas du matin ou du soir, on dépose ce qui reste de charbons embrasés avec les cendres dans un vase de terre, en forme de chaufferette, et on prend les précautions nécessaires afin de conserver l’étincelle qui servira à rallumer le feu à la prochaine occasion. Un jour, un noble qui avait grande compagnie dans ses salons, vit un esclave sortir, un bouchon de paille à la main, au moment où l’on devait préparer le repas. « Où vas-tu ? lui cria-t-il. — Je vais chez le voisin chercher du feu, répondit l’esclave ; il n’y en a plus, nulle part, dans la maison. — Impossible, » dit le maître en pâlissant, et aussitôt, laissant ses hôtes, il court aux vases où dans les divers appartements on conservait le feu, et, à genoux, les larmes aux yeux, il retourne les cendres avec une attention fiévreuse. À la fin il aperçoit une