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foi, mais les femmes de toutes les conditions y tiennent comme à leur vie, et les maris, pour ne pas compromettre la paix de leur ménage, les tolèrent même en refusant d’y prendre part, de sorte que depuis le palais jusqu’à la dernière cabane, elles sont universellement pratiquées. On peut juger par là combien nombreux doivent être les charlatans, astrologues, devins, jongleurs, diseurs de bonne aventure, de l’un et de l’autre sexe, qui vivent en Corée de la crédulité publique. On en rencontre partout qui, moyennant finance, viennent examiner les terrains propres pour bâtir ou pour enterrer, déterminer par le sort les jours favorables pour les entreprises, tirer l’horoscope des futurs époux, prédire l’avenir, conjurer les malheurs ou les accidents, chasser le mauvais air, réciter des formules contre telle ou telle maladie, exorciser les démons, etc., et toujours avec grandes cérémonies, force tapage, et quantité de nourriture, car la gloutonnerie des devins est proverbiale en Corée.

Ceux qui ont le plus de succès et de réputation dans ce métier, sont les aveugles qui, presque tous, l’exercent depuis leur bas âge, et transmettent leurs secrets aux enfants affligés de la même infirmité. C’est pour ainsi dire leur office naturel, et le plus souvent leur seul moyen de subsistance. Dans les districts éloignés, chacun d’eux exerce séparément, à ses risques et périls ; mais dans les villes et surtout à la capitale, ils forment une corporation puissamment organisée, qui est reconnue par la loi, et qui paye des impôts au gouvernement. Seuls, ils ont droit de circuler dans les rues pendant la nuit. Le jour on les rencontre, deux ou trois ensemble, poussant un cri spécial pour attirer l’attention de ceux qui peuvent avoir besoin de leurs services. Pour être reçu définitivement membre de la société, il faut passer par un noviciat d’au moins trois ans. Ce temps est consacré à étudier les secrets de l’art, et surtout les rues et ruelles de la capitale. C’est quelque chose de prodigieux, et qui semble naturellement inexplicable, que leur adresse à se retrouver dans le dédale de rues tortueuses, de culs-de-sac, d’impasses, qui forment la ville de Séoul. Quand on leur a indiqué une maison quelconque, ils s’y rendent, en tâtonnant un peu avec leur bâton, presque aussi vite, et aussi sûrement que tout autre individu.

On les fait venir pour indiquer l’avenir, découvrir les choses secrètes, tirer les horoscopes, mais surtout pour chasser les diables. Dans ce dernier cas, il convient qu’ils soient plusieurs ensemble ; leurs cérémonies ont alors une action plus rapide et plus efficace. Ils commencent par psalmodier diverses formules