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américains ayant éprouvé le même sort, les États-Unis ont fait à leur tour, en 1871, une expédition aussi stérile que celle des Français en 1866. Depuis lors, la pêche du hareng sur les côtes de Corée est interdite aux navires chinois, qui n’osent plus guère s’y aventurer.

Et cependant, le peuple coréen n’est point, par nature, ennemi des étrangers. Peut-être même est-il mieux disposé envers eux que ne le sont les Chinois ; il est moins arrogant, moins ennemi de toute espèce d’amélioration et de progrès, moins fanatique de sa prétendue supériorité sur les Barbares qui peuplent le reste du monde. Mais le gouvernement conserve avec un soin jaloux cet isolement qu’il croit nécessaire à sa sécurité, et aucune considération d’intérêt ou d’humanité ne le lui fera abandonner. Pendant les années 1871 et 1872, une famine épouvantable a désolé la Corée. La misère était si grande que les habitants de la côte ouest vendaient leurs jeunes filles aux contrebandiers chinois, un boisseau de riz par tête. Quelques Coréens, venus au Léao-tong à travers les forêts de la frontière septentrionale, ont fait aux missionnaires un tableau effrayant de l’état du pays, affirmant que sur toutes les routes on rencontrait des cadavres. Mais le gouvernement de Séoul laisserait périr la moitié du peuple, plutôt que de permettre de s’approvisionner en Chine ou au Japon. La force seule pourra lui imposer un changement de système. Les diverses expéditions ou plutôt démonstrations faites dans les trente dernières années, mal combinées, sans esprit de suite, sans vues politiques sérieuses, n’ont abouti, jusqu’à présent, qu’à l’irriter et à exaspérer son orgueil, sans le dompter. Si l’on devait s’en tenir là, elles auraient été, sous tous les points de vue, dans l’intérêt de la liberté de commerce comme de la liberté religieuse, beaucoup plus nuisibles qu’utiles.

Il est évident qu’un pareil état de choses ne peut durer, et que l’excès du mal amènera le remède. Les nations civilisées, forcées de protéger dans l’extrême Orient leur marine et leur commerce, ne toléreront pas indéfiniment qu’un misérable petit royaume, sans marine, sans armée sérieuse, brûle les navires qui touchent à ses rivages, massacre les étrangers parce qu’ils sont étrangers, et se tienne de force en dehors de l’humanité. Très-probablement, le procès sera vidé par les Russes dont les conquêtes, au nord-est de l’Asie, prennent chaque jour un développement plus considérable. Depuis 1860, leurs possessions sont limitrophes de la Corée. Il y a déjà eu plusieurs difficultés entre les deux pays pour des questions de frontière et de commerce ; ces questions ne