Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 1.djvu/234

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

au cours majestueux d’un fleuve. Il s’appliquait à approfondir toutes les questions, et dans l’étude des livres sacrés du pays, il s’était fait, dès sa jeunesse, une habitude de creuser toujours les sens mystérieux cachés sous le texte. » Non content d’étudier les livres, Piek-i cherchait à se lier avec tous les gens instruits qui pouvaient le diriger et l’aider dans l’acquisition de la science. Il aimait la plaisanterie, et se souciait assez peu des lois compliquées et minutieuses de l’étiquette coréenne ; mais, quoiqu’il ne conservât pas toujours cet air de dignité guindée qui, en ce pays, distingue les docteurs de profession, il avait naturellement dans sa manière d’agir quelque chose de noble et de grand. De si heureuses dispositions lui promettaient un brillant avenir dans le monde, lorsque Dieu daigna jeter sur lui un regard de miséricorde.

En l’année tieng-iou (1777), le célèbre docteur Kouen Tsiel-sin-i, accompagné de Tieng Iak-tsien-i et de plusieurs autres nobles désireux d’acquérir la science, s’était rendu dans une pagode isolée pour s’y livrer avec eux, sans obstacle, à des études approfondies. Piek-i, l’ayant appris, en fut rempli de joie, et forma aussitôt la résolution d’aller se joindre à eux. On était en hiver, la neige couvrait partout les routes, et la pagode était à plus de cent lys de distance. Mais ces difficultés ne pouvaient arrêter un cœur aussi ardent. Il part à l’instant même, il s’avance résolument par des chemins impraticables. La nuit le surprend à une petite distance du but de son voyage. Il ne peut se déterminer à attendre plus longtemps, et continuant sa route, arrive enfin vers minuit à une pagode. Quel n’est pas, alors, son désappointement en apprenant qu’il s’est trompé de chemin, et que la pagode qu’il cherche est située sur le versant opposé de la montagne ! Cette montagne est élevée, elle est couverte de neige, et des tigres nombreux y ont leur repaire. N’importe, Piek-i fait lever les bonzes et se fait accompagner par eux. Il prend un bâton ferré pour se défendre des attaques des bêtes féroces, et, poursuivant sa route au milieu de ténèbres, arrive enfin au lieu désiré.

L’arrivée de Piek-i et de ses compagnons répandit d’abord la frayeur parmi les habitants de cette demeure isolée, et perdue au milieu des montagnes. On ne pouvait imaginer quel motif amenait, à cette heure indue, des hôtes si nombreux. Mais bientôt tout s’éclaircit, la joie succéda à la crainte, et dans les premiers épanchements que fit naître cette heureuse rencontre, on s’aperçut à peine que le jour avait déjà paru.

Les conférences durèrent plus de dix jours. Pendant ce temps,