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même temps il écrivit au mandarin du district de Tsin-san, nommé Sin Sa-ouen-i, pour le presser de faire des perquisitions et d’arrêter le coupable. Il paraît que le ministre, de son côté, donna des ordres analogues au gouverneur de la province. Le mandarin de Tsin-san se rendit donc chez Paul. Une visite domiciliaire chez un noble est, en Corée, une expédition très-délicate et souvent dangereuse, mais le mandarin était trop bien renseigné pour avoir rien à craindre. Il fut cependant un peu interdit en trouvant dans la maison de Paul, la boîte employée dans le pays pour enfermer les tablettes. La boîte fut ouverte, et se trouva vide[1]. Aussitôt Sa-ouen-i donna l’ordre d’arrêter Paul Ioun Tsi-t’siong-i et son cousin Jacques Kouen-Siang-ien-i[2], l’un fils, l’autre neveu de la défunte. Comme ils s’étaient retirés l’un à Koang-tsiou et l’autre à Han-sou, probablement d’après quelque avis secret de l’arrivée du mandarin, celui-ci emmena prisonnier, comme caution, l’oncle de Paul.

Jacques Kouen Siang-ien-i que nous venons de nommer, appartenait à une famille originaire d’An-tong, dans la province de Kieng-siang, mais établie depuis quelque temps dans le district de Kong-tsiou. Sans être de la première noblesse, elle comptait cependant parmi ses membres quelques personnages distingués. Kouen se livrait à l’étude des lettres et de la morale, lorsqu’il fut instruit de la religion par son cousin Paul. Il l’embrassa de suite, et ne cessa plus de la pratiquer fidèlement. À la mort de sa tante, mère de Paul, il imita la courageuse conduite de son cousin. Comme lui, il ne fit aucun sacrifice. Il supporta avec lui les reproches et les injures de ses parents et amis, et fut enveloppé dans sa disgrâce, ou plutôt, partagea son bonheur.

Dès qu’ils connurent le mandat d’arrêt lancé contre eux, et l’arrestation de l’oncle de Paul, ils partirent de compagnie, pour se livrer eux-mêmes entre les mains du mandarin Sin Sa-ouen-i, et faisant route nuit et jour, arrivèrent à la préfecture de Tsin-san le soir du vingt-sixième jour de la onzième lune de l’année sin-haï (1791). Les interrogatoires commencèrent de suite. Les voici, tels qu’ils nous ont été racontés par Paul lui-même, dans des notes qu’il écrivit en chinois, et qui furent plus tard tra-

  1. Il est strictement défendu aux chrétiens de conserver et d’exposer à la vue cette boîte de tablettes, même quand elle est vide. Mais, à cette époque, le plus grand nombre des néophytes ne connaissaient pas bien cette prohibition, et, les tablettes une fois détruites, ne voyaient aucun inconvénient à laisser la boîte à sa place habituelle.
  2. Quelques relations donnent à ce dernier le nom de Jean. Mais il nous semble certain qu’il avait été appelé Jacques au baptême.